Photobrol

Le fort de la Chartreuse de Liège

Couvent au XIVe siècle, fort hollandais, caserne, prison allemande, hôpital militaire pour les troupes américaines, centre d’instruction, le nom de la Chartreuse évoque une grande part de l’histoire des Liégeois.

La végétation recouvre à présent ce lieu, témoin de tant d’agitation et de drames, de son apaisant manteau vert.

Le fort de la Chartreuse (infos)

Le fort de la Chartreuse doit son nom au couvent occupé à l’origine par les prémontrés, puis par les Chartreux. Cependant, ce couvent ne se trouvait pas à l’emplacement exact du fort. Le couvent a été fortifié, et a porté le nom de « fort de la Chartreuse », mais sous l’occupation hollandaise le duc de Wellington a conseillé à Guillaume d’Orange de construire un nouveau fort situé un peu plus haut (Péville). Le nouveau fort, situé à l’emplacement actuel, a donc conservé le nom de l’ancien « fort de la Chartreuse ».

 

Sommaire

La devise du fort « Nihil intentatum relinquit virtus » (« le courage ne laisse rien qu’il n’ait tenté« ) est inscrite au dessus de la poterne d’entrée, à l’arrière du fort, au dessus du Thiers de la Chartreuse.

Outre le parc, la Chartreuse comportait un terrain d’entrainement militaire, retourné à l’état naturel dans les années ’90.

Le site est actuellement en rénovation, la réhabilitation du parc des Oblats est en cours.

Les photos de la Chartreuse
Cliquer ici pour afficher toutes les informations de la photo.

Autant la partie moderne de la Chartreuse est pour moi dénuée du moindre attrait esthétique, ravagée par les tags, trop moderne et commune, autant la partie arrière, plus ancienne, m’envoûte totalement. La décrépitude des murs avec leurs revêtements colorés qui s’estompent, l’architecture massive, ancienne, évoquant les fortifications Vauban (bien que de conception plus tardive), la végétation qui recouvre l’ensemble, tout un environnement que j’adore.

Cliquer ici pour afficher toutes les informations de la photo.
Chartreuse Escaliers 1-2-1 (infos)
Chartreuse Escaliers 2-1-2 (infos)
Cliquer ici pour afficher toutes les informations de la photo.
The collapsed doors (infos)

Chaque bâtiment était percé en son centre d’un tunnel pavé permettant le charroi vers la cour arrière, flanqué d’énormes escaliers.

En errant dans le fort de la Chartreuse, on s’attend presque à rencontrer les fantômes du passé…

Under the stairs (infos)

La dégradation ou carrément l’absence de toitures provoquent des dégâts importants non seulement au second étage, mais aussi au fil des années au premier étage.

Cliquer ici pour afficher toutes les informations de la photo.
La Chartreuse - 2020_09_19_183510 (infos)
Beams of the burned and collapsed floor (infos)
Like a cloister or a crypt (infos)

Au rez-de-chaussée, la succession de couloirs voûtés nous donne plus l’impression de pénétrer dans un ancien édifice religieux que dans une caserne, alors qu’il n’a jamais eu de vocation religieuse, le couvent des Chartreux étant situé en contrebas.

A l’intérieur, les couleurs dans les couloirs se mêlent en une palette de gris, de briques et revêtement jaune et rouge, ainsi que de noir car le lieu a été la proie des flammes. Les poutres carbonisées du plafond pendent comme des grilles interdisant l’accès.

Vers la cour arrière, l’impression de cloitre est encore plus forte. La végétation qui prolifère et masque les accès donne à l’ensemble une ambiance tamisée verte.

Plus loin, presque au milieu de la cour arrière, un bloc subsistait (à présent détruit), recouvert par le lierre et diverses plantes grimpantes.

Sur la photo nous pouvons faiblement apercevoir les chenilles de la carcasse de la pelleteuse incendiée en 2010.

La maison au lierre (infos)
L’histoire de la Chartreuse de Liège

En 1106, une chapelle est érigée aux alentours du mont Cornillon.

Vers 1126, les Prémontrés établissent un couvent.

En 1288, les Prémontrés quittent l’endroit qui est transformé en forteresse, le château de Cornillon.

En 1360, les Chartreux reprennent le château de Cornillon, abandonné depuis longtemps, qui reprend une vocation religieuse. Les temps sont troubles les fortifications sont renforcées, et l’occupation religieuse est en réalité une occupation militaire. Le site prend le nom de la Chartreuse.

En 1487, la démolition du couvent fortifié de la Chartreuse fait suite à son pillage par les troupes d’ Évrard III de La Marck, frêre ainé du sanglier des Ardennes.

Les moines sont dispersés à de nombreuses reprises, mais reviennent à chaque fois et reconstruisent le couvent, comme en 1636 lors de l’invasion par les Lorrains. Les périodes occupées par les Chartreux sont témoins de beaucoup de travaux, comme par exemple une galerie qui perce la colline pour l’approvisionnement en eau alimentaire salubre.

En 1649, la Chartreuse est brièvement occupée militairement par les troupes allemandes pour assister Ferdinand de Bavière à assoir son autorité sur Liège.

En 1689, le couvent subit une importante série de modifications visant à renforcer sa fortification.

De 1691 à 1703, la chartreuse sera occupée par les troupes françaises et hollandaises selon les aléas des combats. Les Français s’emparent du fort afin de bombarder les troupes hollandaises à Liège, puis l’incendient en battant en retraite. Les Hollandais renforceront considérablement la chartreuse en une citadelle dans le but de fortifier la ville. Les Français reprennent les positions en 1701, et quitteront les lieux en 1702 lors de leur défaite dans leur offensive contre Liège.

De 1703 à 1792, les Chartreux reprennent possession de leur couvent. Les fortifications sont démantelées.

En 1792, le couvent est à nouveau mis à sac lors de l’invasion de Liège par les troupes républicaines françaises.

En 1817, le roi Guillaume de Hollande décide d’un plan de défense qui comprendra par la suite la citadelle de Dinant, le fort de Huy, et la citadelle de Liège (située sur les hauteurs en face de la Chartreuse, de l’autre côté de liège). La construction du nouveau fort de la Chartreuse est donc décidé, et les travaux dureront jusque 1823. De nombreuses pierres utilisées lors de la construction du fort de la chartreuse proviennent de la cathédrale Saint Lambert, détruite par les Liégeois lors de la révolution française.

Lors de la révolution belge de 1830 contre le régime hollandais, la Chartreuse est reprise par les Liégeois.

La Belgique est à présent indépendante, mais les Français s’intéressent à la Chartreuse et établissent de nombreux rapports d’espionnage sur l’ouvrage.

De 1891 à 1914, la Chartreuse est déclassée et devient une caserne militaire et non plus un fort. Elle ne répond en effet plus aux normes face à l’utilisation d’obus-torpilles. Elle subit de nombreuses démolitions et sa superficie est réduite.

De 1914 à 1918, la Chartreuse est sous occupation allemande. Elle servira notamment de prison pour des centaines de Belges qui s’opposent aux Allemands. C’est aussi à la Chartreuse que sont conduits par l’autorité militaire allemande les condamnés à mort, la veille de leur exécution.

De 1918 à 1940, la Chartreuse redevient une caserne.

En 1938, la poterne d’entrée, située à l’arrière du fort, donc en direction de Liège, est démolie et le fossé est remblayé afin de permettre le passage de camions.

En 1939, les blocs 19 et 20 (qui deviendra le musée des fusillés) sont achevés.

De 1940 à 1945, la Chartreuse est à nouveau sous occupation allemande, et sert de caserne à la Wehrmacht qui achève les travaux de modernisation entrepris en 1939. Certaines inscriptions en allemand sont toujours visibles, comme « Rauchen Verboten! » (« Interdiction de fumer!« ).

De septembre 1944 à juillet 1945, pendant l’offensive des Ardennes, la Chartreuse devient un hôpital pour l’armée américaine. Des inscriptions sur les portes étaient encore visibles en 2006.

De 1945 à 1955, la Chartreuse sert de caserne mobilisatrice. Les chambrées sont décorées par des dessins évoquant les épopées militaires, des devises propres aux unités, ou de manière plus humoristique la vie militaire en général, ainsi que des illustrations de ,la vie civile ou de villes.

En 1982, lorsque l’armée abandonne le terrain militaire du fort de la Chartreuse, il s’agit d’un domaine au patrimoine conséquent, comprenant par exemple

En novembre 1998, la Chartreuse devient le centre d’intérêt des média, quand le corps de David, un petit garçon de dix ans assassiné est retrouvé dans un souterrain lors d’une battue sur le site de l’ancienne caserne.

En 2003, le domaine est vendu à une société immobilière. C’est le début du pillage et des destructions.

En 2006, la ferme Napoléon, déjà en fort piteux état, voit son coup de grâce dans un incendie qui provoque l’effondrement de la toiture et d’une partie des murs. Les bâtiments du hameau de Péville ayant été détruits lors de la construction du fort par les Hollandais en 1818, la ferme était la seule à avoir échappé à la destruction et à être incorporée dans le fort, presque en position centrale.

Toujours en 2006, la station d’essence, les manèges, les cuisines et le bar troupes sont rasés, ainsi que certains bâtiments annexes.

En 2007, la visite du fort est inscrite dans le programme des journées du patrimoine.

En 2008, le fort de la Chartreuse est sujet à de nombreux dépôts clandestins est devient un crassier où se mêlent ordures, gravats, et une grande quantité de pneus.

En novembre 2009, les cachots, où étaient retenus par les allemands les condamnés à mort durant la première guerre mondiale, sont détruits. L’ancienne infirmerie, et les « nouveaux » cachots subissent rapidement le même sort.

En 2010, le site est souvent occupé par des paramilitaires Hollandais qui pratiquent l’air soft. Il s’agit de répliques d’armes de guerre, tirant de petites billes de plastique. Le site est complétement envahi par ces billes.

La guerre n’est pas terminée pour le site de la Chartreuse; les riverains combattent une société immobilière qui a démoli illégalement certains bâtiments. Les briques et les pavés des routes sont arrachés à la pelleteuse sans autorisation, et revendus. De nombreuses infractions sont en outre constatées au niveau environnemental; des arbres sont abattus, dont certains sont la propriété de la ville. Des plaintes sont déposées à la police, et les véhicules ne peuvent quitter le site. Le grutier était sans papiers, le chauffeur ne pouvait justifier la présence du camion sur le site.

Voici la photo de la pelleteuse incendiée en 2010.

Burned engine (infos)

Depuis l’abandon du site, les dégradations par la nature et les faits de l’Homme, les lieux sont fréquentés par des clochards, des photographes d’horizons divers, des toxicomanes, des jeunes en mal d’aventures, des adeptes de simulations de combats, et dernièrement des gens qui s’exercent illégalement à tirer à balles réelles depuis les hauteurs des bâtiments les moins anciens.

La réhabilitation suit son cours et si nous regretterons cette disparition d’une grande part du passé Liégeois, les riverains eux sont soulagés de retrouver une certaine quiétude.

Sommaire
Quitter la version mobile