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Historique de la centrale électrique ECVB

Avec la démolition de la centrale électrique ECVB (ECVB powerplant), un pan entier de notre patrimoine industriel a encore disparu. Voici l’historique de la centrale électrique ECVB, complété par les photos que j’ai pris sur les lieux avant et pendant sa démolition.

La salle des chaudières de l'ECVB (infos)

En 1905, la « Société d’Électricité de l’Escaut » voit le jour à Anvers, et deviendra Electrabel en 1990.

L’éclairage public à Gent est assuré par des lanternes à gaz, puis des lampes « Washington » à pétrole, mais le conseil municipal de Waarschoot est sollicité dès 1912 pour utiliser l’électricité pour l’éclairage public.

La S.A. « Centrales Electriques des Flandres », fondée en 1911, s’implantera en 1913 entre le canal Gent-Terneuzen (à l’est) et le chemin de fer (à l’ouest), un emplacement idéal pour l’approvisionnement en charbon. Cette société anonyme prendra par la suite le nom de « Centrales Electriques des Flandres et du Brabant » (CEFB), Ebes, puis finalement « Electrabel ». Ce sont les énormes lettres CEFB qui apparaissent encore sur le pignon de la salle de traitement des eaux jusqu’au moment de la démolition de la centrale.

Etant implantée dans la partie néerlandophone de la Belgique, cette société sera connue sous le nom « Elektrische Centralen voor Vlaanderen in Brabant », ce qui explique l’appellation commune ECVB de la centrale.

1913, Centrales Electriques des Flandres

La partie la plus ancienne de l’ECVB, construite en 1913 sur la rive droite du canal, comprenait deux bâtiments parallèles, implantés entre le canal et la voie de chemin de fer, et ensuite la maison du directeur. Les bâtiments bénéficiaient d’un revêtement de briques rouges décoratives, qui donnaient une certaine valeur esthétique à l’ensemble.

Il semblerait que ce soit la première centrale thermique à production électrique en Europe.

Au centre, le bâtiment principal est construit en plusieurs étapes, en fonction de l’accroissement des besoins de production. Ce bâtiment est composé de trois ailes, respectivement la « salle des barres » (partie électrique, transformateurs, etc.), la salle des machines, qui abrite deux groupes turbo-alternateurs (des alternateurs entraînés par des turbines) Oerkilon 2200kW, et la salle des chaudières, avec ses trois chaudières Babcockx-Wilcocx.

En 1914, un accord est conclu entre le conseil municipal de Waarschoot et la société CEFB pour généraliser l’utilisation de l’électricité pour l’éclairage public, qui sera en fonction en soirée et en matinée.

Lors des bombardements de 1918, les turbo-alternateurs sont endommagés. De plus, lors de leur retraite, les Allemands détruisent une grande partie des installations électriques. Un mois plus tard, la centrale est à nouveau opérationnelle afin de rétablir l’économie de l’après-guerre.Alors que de nombreux pays nationalisent le secteur de l’électricité après la première guerre mondiale, la Belgique laisse le secteur entre les mains du privé, mais sous un certain contrôle.

Entre 1918 et 1924, six nouvelles chaudières et quatre groupes turbo-alternateurs Brown Boveri sont ajoutés à la centrale électrique ECVB, pour répondre à la demande croissante, et le quartier d’Arisdonk est alimenté en électricité.

Dans les années 1920, les environs de la centrale bénéficient d’une urbanisation selon un nouveau concept de vie. Ces années voient l’apparition d’une architecture unifiée, de la « cité-jardin » (intégration d’espaces verts), la semaine de 38 heures, la promotion du sport au sein des travailleurs de l’usine (un vélodrome en béton sera d’ailleurs construit en 1935), et par la suite l’importance de la détente après le travail (théâtre, cinéma, évènements culturels).

C’est en 1929 que sera construit la « Cité Jardin Henry Ville », un quartier permettant de loger les gestionnaires et les contremaîtres de l’usine, conçu selon ces nouveaux concepts urbanistiques et sociaux. En même temps, profitant d’une réduction de prix de l’électricité négociée en 1928, l’éclairage public est maintenu toute la nuit pour assurer la sécurité des résidents.

1925-1929, première modernisation

En corrélation avec la modernisation du processus de production de l’électricité, la modernisation des bâtiments existants et la construction de nouveaux bâtiments s’imposait pour répondre au besoin plus important en électricité, et faire face à la croissance inquiétante du prix des matières combustibles, en particulier le charbon après la seconde guerre mondiale (le prix atteint jusqu’à dix fois le prix d’avant guerre, alors que le gouvernement refuse que le prix du kWh ne dépasse le triple de ce qu’il coûtait avant).

La salle des barres est agrandie, ainsi que la salle des machines. En 1928, le groupe Brown Boveri de 6600 kW est directement alimenté par la vapeur.

C’est encore une première en Europe, une unité de contre-pression permet aux chaudières Babcockx-Wilcocx existantes d’atteindre une vapeur à 450° et 50 bars de pression.

La salle des chaudières est prolongée, et trois nouvelles chaudières Babcockx-Wilcocx fournissent une température de 450° sous une pression de 56 bars.

A titre de comparaison, les chaudières classiques produisaient dans les années 1970 une température de 540° pour une pression de 180 bars, des valeurs supercritiques atteignant actuellement 600° et plus de 250 bars, et une centrale nucléaire produit une vapeur à 300° sous 50 bars de pression.

1929-1959, l’expansion de la centrale ECVB

Entre 1929 et 1931, trois groupes condensateur/turbo-alternateur Brown Boveri de 25000 kW sont ajoutés, ainsi qu’une nouvelle chaudière externe à pression élevée de type Benson.

En 1935, plus de vingt compagnies d’électricités indépendantes cohabitaient en Belgique.

Au début de la seconde guerre mondiale, beaucoup de jeunes sont envoyés au front, et la centrale fonctionne avec un personnel réduit. En 1941, les travailleurs se voient attribuer des parcelles de terre autour de la centrale afin d’y cultiver leur propre nourriture (et leur tabac). La cour intérieure du vélodrome est transformée en potager.

En 1943, le bâtiment administratif et la salle des machines ont été touchés par les bombardements.

Après la guerre, une nouvelle chaudière est construite dans la salle des chaudières, et la salle des machines sera prolongée par un dixième groupe Brown Boveri de 25MW. Comme après la première guerre mondiale, les temps sont à la pénurie, la demande énorme et l’approvisionnement rare. Le coût de l’électricité augmente à nouveau énormément. L’usine se charge alors de faire des achats de groupe afin de limiter les coûts de la vie, et ouvre une petite boutique pour ses ouvriers.

L’économie se redresse progressivement. mais la crise de Suez provoque encore une augmentation du prix du charbon. Les producteurs d’électricité se penchent vers des sources d’énergies nouvelles, comme le pétrole.

ECVB - COCKERILL 18 (infos)

Entre 1947 et 1953, deux grandes chaudières Cockerill, fournissant une vapeur à 490° et 46 bars sont ajoutées.

En 1953, un groupe 50mW Brown Boveri est mis en place avec un alternateur à refroidissement d’hydrogène.

En 1956, l’usine passe dans les mains de Ebes (Sociétés Réunies d’Énergie du Bassin de l’Escaut).

En 1957, la construction est décidée d’une nouvelle salle des machines, une chambre de pompes, et la cheminée.

1959-1993, l’unité monobloc
ECVB, turbine à vapeur Rateau - La Meuse (infos)

En 1959, une commande est passée pour une « unité monobloc 19′ de 125 mégawatts ». Ce monobloc comprend une chaudière extérieure, la turbine à vapeur (Société Rateau et les Ateliers de Constructions La Meuse), le générateur ACEC directement relié à un transformateur, les transformateurs et le dispositif d’exploitation propre, le système de surveillance et de commande. Ce dispositif monobloc est une unité de production qui remplace une série de chaudières en batterie sur des turbines de faibles puissances. La turbine à vapeur du monobloc est de grande capacité. En plus du charbon, le mazout est utilisé comme combustible. Les chaudières proviennent encore une fois de la société Cockerill-Ougrée s.a.

Journée portes ouvertes à la turbine ;-) (infos)
ECVB, la chaudière Cockerill 18 (infos)

Dans les années 1960, les chaudières Cockerill 16, 17, et 18 subissent l’influence de la crise de l’énergie. La compétition fait rage entre les entreprises belges de l’électricité, notamment entre les deux plus grandes sociétés, Ebes et Intercom.

Pourtant, en 1966, une unité de 23 mégawatts à démarrage ultra rapide est mise en place pour absorber les pics lors de demandes importantes d’électricité.

1974-2001, les dernières années de l’ancienne centrale

En 1974, un accord définit trois principaux fournisseurs d’énergie. Le premier étant le fournisseur existant Ebes, le second issu d’une fusion entre Intercom et l’Inter Brabant et le troisième fournisseur (Oisquercq, rebaptisé par la suite Unerg) résultant de la collaboration entre Electrogaz, UCE Linalux-Hainaut, Esmalux, et Gaz de Namur.

Toujours en 1974, le groupe 20, d’une puissance de 23 mégawatts et alimenté au gaz naturel, fournit la vapeur pour les usines de papier de Langerbrugge. Une unité de pression distincte est mise en service, le groupe 29, qui succède au groupe 19 (le groupe 29 est définitivement arrêté en 1997).

En 1980, l’ensemble des unités en fonction dans la centrale est adapté pour utiliser indifféremment les combustibles comme le charbon, le fioul, ou le gaz.

En 1986, un musée public dédié à la production d’électricité et aux moteurs vapeur ouvre ses portes au sein de la centrale : le musée Energeia. Vous pouvez consulter l’article complet relatif au musée Energeia. : https://www.gaudry.be/photo/ecvb-musee-energeia/

ECVB, le musée Energeia (infos)

En 1990, Electrabel nait de la fusion entre les trois grands fournisseurs d’électricité, Ebes, Intercom et Unerg.

En 1993, le groupe 30, une unité de 53 mégawatts est mis en place dans la nouvelle centrale. Il s’agit d’une turbine à gaz avec une chaudière de récupération de vapeur.

En 2000, le musée EnergeiA ferme ses porte sur décision du conseil d’administration d’Electrabel.

2001-2011, la nouvelle centrale électrique ECVB
ECVB en activité (infos)

En 2001, l’ancienne centrale stoppe définitivement sa production d’électricité, et la nouvelle centrale, plus petite prend le relais.

La nouvelle centrale comporte deux unités : d’une part une chaudière et la turbine à vapeur alternateur de pression du groupe 20, d’autre part un alternateur de turbine à gaz et une chaudière de récupération avec une post-combustion (Groupe 30).

En 2011, la centrale ne fournissait plus que de l’électricité aux industries des environs.

Le démantèlement de l’ECVB

Initié entre 2011 et 2012 avec le démontage de la nouvelle centrale, c’est en 2012 que la destruction de l’ECVB commence vraiment.

Entretemps, les voleurs de cuivre ont sévi sur les lieux, détruisant énormément (y compris une machine à vapeur de 1912 encore fonctionnelle), à la recherche de cuivre et autres métaux à dérober.

Les panneaux de contrôle ont été pillés, les instruments de mesure volés, et les dommages incalculables.

Démolition de l'ECVB - le plancher de la grosse turbine a déjà disparu (infos)

 

Lors des travaux de 2012, les bâtiments anciens sont détruits, les installations plus modernes sont démantelées, une partie du musée EnergeiA est déplacée.

C’est encore une grande part du patrimoine industriel et social qui est réduite à néant sans préservation.

Plus d’informations

Consultez les articles complets sur le musée Energeia, la démolition de l’ECVB.

En cours de rédaction : le reportage photo sur l’ECVB.

Sources
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