Chris Marker


Prénom : Chris
Nom : Marker
Date de naissance : 29-07-1921
Lieu de naissance : Neuilly-sur-Seine, Hauts-de-Seine, Île-de-France, France
Décédé le : 29-07-1921

Informations de Wikipedia
Chris Marker

Christian Bouche-Villeneuve, dit Chris Marker (parfois écrit Chris

Marker), est un réalisateur, écrivain, illustrateur, traducteur, photographe, éditeur, philosophe, essayiste, critique, poète et producteur de cinéma français, né le 29 juillet 1921 à Neuilly-sur-Seine et mort le 29 juillet 2012 à Paris. Pour le public, son œuvre renvoie à ses films majeurs : La Jetée, Sans soleil, Le Joli Mai, Le fond de l'air est rouge et Chats perchés

Pour l’essentiel, ce sont des documentaires, définis dès le départ, selon André Bazin, comme des essais cinématographiques. Cependant, son œuvre d'ensemble ne se limite pas aux films qu'il a signés

En effet le réalisateur français collabore activement avec d’autres réalisateurs, écrivains, acteurs, artistes ou simples ouvriers : Costa-Gavras, Yves Montand, Alain Resnais, Paul Paviot, Yannick Bellon, Alexandre Medvedkine, Jorge Semprun, Benigno Cacérès, Thoma Vuille, Mario Ruspoli, Joris Ivens, Haroun Tazieff, William Klein, Mario Marret, Akira Kurosawa, Patricio Guzman

Il soutient également les jeunes, notamment le collectif Kourtrajmé et Isild Le Besco, en qui il voit « une nouvelle nouvelle vague ». Tout au long de sa carrière, Chris Marker s’est attaché à observer les vicissitudes de l’histoire mondiale tout autant qu’individuelle, avec curiosité et discernement, avec poésie et émerveillement, avec ironie et souvent un regard amusé, parfois avec colère

Au centre de sa réflexion figurent la mémoire, le souvenir, la nostalgie du temps passé réinventé mais à jamais disparu.

Biographie

Christian Bouche-Villeneuve naît le , à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Il est le fils de Georges Hippolyte Bouche-Villeneuve, 38 ans, inspecteur des agences de la région parisienne du Crédit Lyonnais, et de Jeanne Marie Henriette Villeneuve, 30 ans. Les premières années de sa vie sont cependant obscures et Chris Marker lui-même a contribué à la confusion en transmettant délibérément des informations erronées aux journalistes. Par exemple, certaines sources affirment qu'il est né à Belleville[réf. incomplète], d'autres à Oulan-Bator, ou à Pékin, d'autres encore suggèrent qu'il a peut-être combattu comme pilote d'avion et parachutiste.

Contrairement à la légende qu'il a lui- même inspirée (dans Immemory entre autres), il ne réside pas pendant deux ans à Cuba avec son oncle. Enfant, Christian vit uniquement à quelques dizaines de mètres du lycée Pasteur (Neuilly-sur-Seine), où il étudie dans les années 1930[source insuffisante]. Bien qu'élève dans la section Philosophie, il ne suit pas les cours de Jean-Paul Sartre, alors tout jeune agrégé en philosophie, qui est responsable de l'autre classe de philosophie et qui quitte très rapidement l'institution[source insuffisante]. Alors élève de terminale, Christian crée en 1938 avec Serge Dumartin et Bernard Pingaud le journal du lycée, intitulé Le Trait d'union, en tant qu'éditeur sous le pseudonyme de Marc Dornier. Il commence sa licence de philosophie lorsque la guerre éclate, puis rejoint son père à Vichy (en zone libre, après que Paris est passée sous l'occupation des Allemands nazis). Croyant pouvoir offrir une vision positive aux jeunes, Christian Bouche-Villeneuve crée, à l'été 1941, La Revue française : Cahiers de la Table ronde, sous le même pseudonyme de Marc Dornier, en compagnie de son ami de lycée Bernard Pingaud. Cette revue littéraire à tendance pétainiste, suivant les idées de la révolution nationale, est destinée aux jeunes Français alors en perte de repères et à l'avenir des plus obscurs. Cette publication s'achève très rapidement : la revue ne connaît que deux numéros, le troisième étant abandonné avant même l'impression. C'est définitivement déçu par la politique du maréchal Pétain, alors que les Américains de leur côté entrent en guerre en , que Marker quitte Vichy et se rend en Suisse. Il rejoint alors la Résistance et se retrouve, à la Libération, dans l'armée américaine,.

Écriture (1946-1952)

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Chris Marker écrit pour la revue Esprit, qui reparaît entièrement refondue après avoir été interdite en 1941 sous le régime de Vichy. Dirigée par le philosophe Emmanuel Mounier, héritier de l'existentialisme et prônant un catholicisme de gauche, la revue s'intéresse aux questions sociales et au dialogue avec le communisme dans l’intention de participer aux débats de l'après-guerre. Marker y fait ses premières armes et y publie de nombreux articles entre 1946 et 1955 : des commentaires sur l'actualité politique, des poèmes, des recensions littéraires et cinématographiques.

Mais surtout, il travaille activement pour les organisations Peuple et culture et Travail et Culture. Ces organisations sont créées au lendemain de la Libération avec l'ambition « de rendre la culture au peuple et le peuple à la culture » et sont proches de l'équipe d'Esprit mais aussi du Parti communiste français (PCF). L'un des principaux animateurs de ce projet n'est autre qu'André Bazin, qui cofonde en 1951 les Cahiers du cinéma. C'est également dans les bureaux de Travail et Culture, rue des Beaux-Arts à Paris, que Marker rencontre, à la fin des années 1940, Alain Resnais, avec lequel il se lie d'amitié et collabore par la suite.

Durant cette période, Marker publie un roman, Le Cœur net (1949), plusieurs poèmes et un essai sur Jean Giraudoux intitulé Giraudoux par lui-même (1952). Trilingue, il traduit également des ouvrages allemands et anglais en français. Il dirige par ailleurs, avec Joseph Rovan, les premiers numéros de la revue de Peuple et Culture, DOC (et sa version allemande DOK), et édite plusieurs documents pédagogiques pour l'association en collaboration avec les éditions du Seuil.

À la suite d'une violente critique de L'Espoir d'André Malraux qu'elle considérait comme un « auteur fasciste », Marker quitte la direction de la revue DOC. Il continue son activité comme animateur à Peuple et Culture et est engagé au Seuil pour diriger la collection « Petite Planète »,.

Dans l'œuvre de Chris Marker comme dans celle de Jean-Luc Godard, la citation est un élément important et récurrent. Il affirme cet intérêt, dès 1949, dans l'introduction de L'Homme et sa liberté, à savoir que l'« on s'exprime beaucoup mieux par les textes des autres, vis-à-vis de qui on a toute la liberté de choix, que par les siens propres, qui vous fuient comme s'ils le faisaient exprès au profit des parts de Dieu ou du diable. »

Voyages (1952-1966)

Des films de commande aux Statues meurent aussi

Au début des années 1950, Chris Marker commence sa carrière cinématographique, parcourant le monde pour l'UNESCO, afin de « mettre le cinéma au service de l'éducation de base ». En 1952, avec les fondateurs de l'organisation Peuple et Culture Joffre Dumazedier et Benigno Cacérès, il réalise Olympia 52, un documentaire sur les Jeux Olympiques d'Helsinki, commissionné par l'organisation et qui fait partie de son projet d'éducation populaire. Dans le même temps, Marker poursuit son travail avec Alain Resnais sur le court métrage documentaire Les Statues meurent aussi, très influencé par le thème malrucien du « Musée imaginaire », ouvrage paru en 1947.

L'idée d'un film sur « l'art nègre » est déjà en gestation dans les esprits de Resnais et Marker, ce depuis fin 1948 - début 1949, alors que Resnais connaît le plein succès avec son court-métrage Van Gogh (1947), pour lequel il vient d'obtenir un Oscar. Les Statues meurent aussi est commandé en 1950 par l'éditeur Présence africaine, pour être achevé en 1952, après de multiples difficultés aux limites de l'insurmontable (dont le simple fait que Resnais, Marker et leur directeur photo Ghislain Cloquet n'y connaissent alors rien en art africain). Avant de sortir en salle, le film est censuré par la Commission de contrôle, qui refuse son visa d'exploitation notamment à cause d'un discours anticolonialiste. Une version tronquée sort dix ans plus tard.

Le « film-essai » comme genre propre

Olympia 52 et Les Statues meurent aussi suggèrent déjà l'esprit de voyage qui caractérise le travail de Chris Marker pendant toute la période qui suit. Comme le dit Catherine Lupton dans sa monographie sur Marker, « le désir de voir et de montrer le monde avec des perspectives inouïes va devenir le trait définitoire des activités de Chris Marker pendant les années 1950 et le début des années 1960, et il va ainsi établir sa réputation de globe-trotter invétéré avec une série de travaux basés sur les voyages dans les pays et les régions en transition. » En effet, les films Dimanche à Pékin (1956), Lettre de Sibérie (1958), Description d'un combat (1960) et Cuba si (1961) sont respectivement le fruit de voyages en Chine, en Sibérie, en Israël et à Cuba.

Dans Lettre de Sibérie, Chris Marker joue à remettre en cause la supposée « objectivité » du genre documentaire en répétant trois fois la même séquence tout en variant uniquement le commentaire. André Bazin voit dans Lettre de Sibérie la naissance ou la consolidation d'un genre qui sera dès lors inséparable de Chris Marker, pour ne pas dire synonyme : le « film-essai »,,.

Cuba si (1961) contient deux entretiens avec Fidel Castro filmés juste avant le débarquement de la baie des Cochons. Comme le ton est anti-américain, le gouvernement français censure le film jusqu'en 1963.

Marker et la photographie

Lorsqu'il ne tourne pas, Chris Marker fait de la photographie. En 1956, il publie son portfolio Clair de Chine dans la revue Esprit. En 1959, un voyage en Corée du Nord est à l'origine du recueil de photographies Coréennes, qu'il décrit comme un court métrage fait avec des images fixes, anticipant ainsi La Jetée (1962). Il y a un fort intérêt politique derrière ces voyages, dont quatre ont été faits au sein de pays socialistes.

Tout en réalisant ses films, Marker devient en parallèle le directeur de la collection « Petite Planète » aux éditions du Seuil, qui offre une alternative aux guides de voyage plus classiques et dont il est le responsable entre 1954 et 1958. Il y développe alors une forme nouvelle d'alliance entre le texte et l'image : la photographie n'est plus reléguée au seul statut d'illustration, mais devient un complément indispensable du texte.

Entre son voyage à Cuba en 1961 et son voyage au Japon en 1964, Marker retourne en France pour réaliser deux films fondamentaux dans sa carrière : Le Joli Mai et La Jetée, tous les deux sortis en 1962.

1962, année faste : Le Joli Mai et La Jetée

Le Joli mai est un long documentaire co-réalisé avec Pierre Lhomme, à partir de 55 heures d'entretiens avec des Parisiens, avec un commentaire en voix-off lu par Yves Montand,. Le film s'inspire du cinéma-vérité promu par Jean Rouch et Edgar Morin, en particulier avec Chronique d'un été (1960). Chris Marker cherche à faire une radiographie spirituelle et idéologique des Parisiens : Marker et son équipe leur posent des questions variées (leurs espoirs, leurs opinions, leur quotidien, leur point de vue sur le bonheur, l'amour, la guerre d'Algérie, la paix, le futur, etc.) et, bien que le commentaire soit moins présent que dans ses travaux antérieurs, il est encore très important comme conscience critique.

À l'opposé, La Jetée, probablement le film le plus célèbre de Chris Marker, est un point d'inflexion dans son œuvre. Dans ce film construit comme un photo-roman fait presque entièrement d'images fixes, Marker abandonne le mode documentaire et utilise les ressources de la science-fiction pour construire une fable sur le temps, la mémoire et la subjectivité, ainsi que sur leurs relations avec l'image. Il s'agit d'une problématique qui va hanter dorénavant toute son œuvre, tout particulièrement après les années « militantes » (1967-1981). Dans son anthologie du cinéma français, le critique Jean-Michel Frodon voit dans ce film l'un des chefs-d'œuvre du cinéma mondial. Le film a d'ailleurs servi de source d'inspiration pour le film hollywoodien L'Armée des douze singes, en 1995.

Dans le même temps, Marker collabore de manière très variée à un grand nombre de projets cinématographiques, allant de l'écriture du commentaire à la production, en passant par l'adaptation des sous-titres ou le montage. On le retrouve sur les films de cinéastes tels que Joris Ivens, Pierre Kast, William Klein, Jean Ravel (le monteur du Joli Mai), François Reichenbach et Catherine Varlin.

Même si Marker reste toute sa vie un voyageur, on peut cependant dire que cette première phase d'errance, commencée avec Dimanche à Pékin, est clôturée dans les années 1960 avec les films Le Mystère Koumiko (1965) et Si j'avais quatre dromadaires (1966).

Fin d'une errance : Le Mystère Koumiko et Si j'avais quatre dromadaires

L'origine du Mystère Koumiko est un voyage au Japon en 1964, lors des Jeux Olympiques de Tokyo. L'intention originelle de Marker est de réaliser un film sur ces Jeux, comme il l'a fait en 1952 à Helsinki. Il décide finalement de faire un film sur une jeune femme, Koumiko Muraoka, qu'il rencontre par hasard à Tokyo et qui parle français. Ce film lui donne aussi l'occasion d'explorer pour la première fois sa fascination pour le Japon, pays dans lequel il va retourner plusieurs fois par la suite.

De son côté, Si j'avais quatre dromadaires renverse la logique de Coréennes, car il s'agit cette fois d'un album de photographies en forme de film, au lieu d'un film sous forme de photographies accolées. Marker y rassemble plusieurs photos qu'il a accumulées durant ses voyages depuis 1950 et dresse ainsi une sorte de bilan de ses premières années de voyage qui précèdent les années de militantisme.

Militantisme (1967-1981)

Les documentaires de voyage des années 1950 reflètent une sympathie profonde envers les tentatives d'implanter des régimes politiques socialistes dans différentes parties du monde, de Cuba à la Corée du Nord, du Chili au Viêt Nam. La montée de la contestation politique à la fin des années 1960 constitue pour Chris Marker l'occasion d'approfondir son engagement politique et de réfléchir à la place du cinéma dans le système de production et de distribution capitaliste, ainsi que sur son rôle idéologique. Marker cherche à faire ce que Jean-Luc Godard formule ainsi : « créer deux ou trois Vietnam au sein de l'empire Hollywood-Cinecittà-Mosfilms-Pinewood. »

Le collectif SLON - ISKRA

Le premier de ces efforts est la co-création avec Inger Servolin du collectif SLON (Société pour le Lancement des Œuvres Nouvelles) en 1967 en Belgique,, qui devient ISKRA (Images, son, kinescope, réalisation audiovisuelle)) en 1974. Comme l'explique un texte du collectif de 1971, « SLON est née d'une évidence : que les structures traditionnelles du cinéma, par le rôle prédominant qu'elles attribuent à l'argent, constituent en elles-mêmes une censure plus lourde que toutes les censures. D'où SLON, qui n'est pas une entreprise, mais un outil — qui se définit par ceux qui y participent concrètement — et qui se justifie par le catalogue de ses films, des films QUI NE DEVRAIENT PAS EXISTER ! »

Pour cette entreprise, Marker perd son statut privilégié d'auteur-réalisateur pour devenir producteur et animateur du collectif. Pendant cette période, plusieurs de ses propres films ne sont pas signés. Le premier projet de SLON est Loin du Vietnam (1967), un film collectif rassemblant les réalisateurs Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Alain Resnais, Claude Lelouch, Joris Ivens et William Klein, et dont la coordination générale et le montage sont entièrement assumés par Chris Marker.

En février-, une grève commence dans les usines Rhodiacéta de Besançon. Les ouvriers en grève ne veulent pas seulement des augmentations de salaire, ils veulent aussi changer le système : ils transforment leur usine occupée en lieu de culture avec une bibliothèque et des conférences. Chris Marker tourne À bientôt, j'espère et donne aux ouvriers les moyens de s'exprimer par le cinéma, pour faire entendre leur voix hors de leur usine et de leur région. Les ouvriers forment alors des groupes Medvedkine à Besançon et à Sochaux, et réalisent par eux-mêmes des films sur leur mouvement.

SLON s'intéresse aussi à la manipulation de l'information par le pouvoir à travers l'État et les médias officiels. Pour offrir un contre-poids à ces appareils idéologiques, SLON crée une série de documentaires courts de « contre-information », avec le titre général de On vous parle de... Dans cette série, Marker et ses camarades de SLON présentent l'actualité politique au Brésil, au Chili, à Cuba ou en Tchécoslovaquie, mais du point de vue des mouvements de contestation, qui n'était pas, et de loin, celui favorisé par les médias.

Le Fond de l'air est rouge

Le point culminant des années militantes de Marker, c'est la grande fresque politique Le Fond de l'air est rouge (1978), d'après une idée de la monteuse Valérie Mayoux, à savoir un documentaire de quatre heures (réduites depuis par l'auteur à trois heures) sur la montée et le déclin des mouvements de gauche dans le monde. Le film est conçu au départ comme un collage de fragments de matériel filmique de SLON organisé en deux parties. La première, « Les mains fragiles », présente les espoirs politiques de la gauche à la fin des années 1960, à travers (entre autres) les révoltes des étudiants et les résonances de la révolution cubaine en Amérique latine. La deuxième partie, « Les mains coupées », décrit la réaction conservatrice de droite venue juste après le Printemps de Prague (1968), le coup d'État de Augusto Pinochet (1973), la restauration gaulliste en France, etc.

La décennie finit pour Marker dans une atmosphère politique très pessimiste. C'est le moment pour lui d'abandonner le cinéma militant tel qu'il l'avait conçu et de se lancer dans de nouvelles voies.

Mémoire et multimédia (1982-2012)

Sans soleil

Sans soleil (1982) est tourné avec une caméra Beaulieu au format 16 mm et muette. Sandor Krasna, crédité au générique du film comme caméraman, est en réalité un personnage inventé par Chris Marker lui-même. Ce film, souvent considéré comme le chef-d'œuvre de Marker, revisite son obsession de la mémoire (déjà présente dans La Jetée) et son goût du voyage dans les années 1950-1960. Les noyaux géographiques du film, que Marker définit comme « les deux pôles extrêmes de la survie », sont le Japon et les anciennes colonies portugaises du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau. Le cinéaste militant laisse place à un observateur curieux, politiquement averti, mais certainement déçu par la débâcle de la gauche globale et le destin tragique des mouvements de libération, en particulier en Afrique noire.

Sans soleil perfectionne le genre du « film-essai » et le transforme en une forme réflexive, guidée par ce que l'on pourrait appeler le « sujet-Marker ». Un sujet tout à la fois individuel et collectif, mais aussi cinématographique et qui organise des images et des sons fragmentaires en une unité organique par l'entremise du montage.

Installations multimédia et nouvelles technologies

À partir de 1980, Chris Marker explore d'autres formes d'expression grâce aux nouvelles technologies, telles que la vidéo ou l'informatique. Déjà en 1978, il fait une installation vidéo intitulée Quand le siècle a pris forme (Guerre et Révolution), produite par le Centre Georges Pompidou pour l'exposition Paris-Berlin en association avec François Helt (AM 1989-728). En 1988, il programme en AppleSoft Basic le robot conversationnel Dialector dont le développement sera « interrompu lorsqu'Apple a décidé que programmer était réservé aux professionnels ».

Pour l'exposition « Passages de l'image » au Centre Pompidou en 1990, Chris Marker réalise la grande installation Zapping Zone (Proposals for an imaginary television), à laquelle il fait des ajouts jusqu'en 1994 et qui entrera dans les collections du musée (AM 1990-160). Dans les années 1980, il développe une fascination croissante pour les possibilités surprenantes qu'offrent les ordinateurs et plus récemment Internet. Un des films les plus importants de cette période, Level Five (1996), prend comme point de départ la dernière bataille de la Seconde Guerre mondiale entre Américains et Japonais dans l'île d'Okinawa, durant laquelle un tiers de la population se suicide ou est massacré. Marker utilise l'ordinateur (et en particulier les jeux d'ordinateur) comme une partie essentielle de son mode de filmage. Pour Raymond Bellour, Level Five est « un nouveau type de film, le premier film au cinéma qui examine les liens entre la mémoire culturelle et la production de sons et images par ordinateur, ».

Mais c'est dans le CD-ROM Immemory (1997) que la logique de l'ordinateur fournit une vraie alternative à la logique filmique. Dans Immemory, produite par le Service "Nouveaux Médias" du Centre Pompidou, Marker propose « la géographie de sa propre mémoire ». Le CD-ROM offre, dans son ouverture, sept « zones » différentes : le cinéma, le voyage, la photo, la guerre, la poésie, la mémoire et le musée, ainsi qu'une zone additionnelle pour les « X-plugs ». L'exploration de ces zones avec la souris de l'ordinateur nous emmène dans un labyrinthe aux bifurcations et croisements inattendus, où l'on voit défiler des photographies, des textes, des vidéos, des cartes postales... Marker trouve dans l'ordinateur des possibilités pour le développement de ses problématiques esthétiques : premièrement, le CD-ROM permet d'incorporer toutes les images et documents que Marker a essayé à maintes reprises de mettre ensemble dans une même œuvre. Deuxièmement, il rend possible l'implémentation d'une logique non linéaire dans le développement du matériel visuel et textuel. Immemory aura aussi la forme d'une installation présentée au public en compagnie de son chat "Guillaume" et entrée dans les collections du centre Pompidou (AM 1997-253).

Sa vie durant, Marker continue à explorer les nouvelles ressources médiatiques. Avec Max Moswitzer, il crée par exemple le monde de L'Ouvroir sur Second Life, comprenant entre autres un musée virtuel et une salle de projection, à l'occasion de l'exposition au Museum für Gestaltung de Zürich. De la même manière, la première de son court métrage Leila Attacks (2006) s'est tenue sur YouTube (où on peut trouver onze vidéos sous le pseudonyme de Kosinki). En outre, Chris Marker travaille pour la télévision, comme en 1989 avec L'Héritage de la chouette (sur l'héritage de la Grèce antique dans la Grèce moderne), mini-série de treize épisodes commanditée par la Fondation Onassis et coproduite par La Sept.

Histoire et mémoire

Yves Montand sur scène, comme dans La Solitude du chanteur de fond.

Dans l'œuvre de Marker, l'enchevêtrement entre la mémoire individuelle et l'histoire passe au premier plan à partir des années 1980 et anime la série de portraits filmés réalisés à partir de 1985. Bien sûr, Marker a fait des films-portraits auparavant, comme celui de son ami Yves Montand dans La Solitude du chanteur de fond (1974), mais les films des années 1980-1990 sont pour la plupart des hommages posthumes ou tardifs à des ami(e)s ou des artistes qu'il admire profondément. Ils se veulent, dès lors, déchiffrage du passé plutôt que description d'un présent. La liste des noms est parlante : Simone Signoret (Mémoires pour Simone, 1986), Alexandre Medvedkine (Le Tombeau d'Alexandre, 1993) ou encore Denise Bellon (Le Souvenir d'un avenir, 2002), qu'il réalise avec sa fille, la réalisatrice Yannick Bellon. Dans A.K. (1985), il filme Akira Kurosawa sur le tournage de Ran sur les pentes du mont Fuji. Pour l'émission de télévision Cinéma de notre temps, il dresse un portrait d'Andreï Tarkovsky intitulé Une journée d'Andreï Arsenevitch (1999). Dans tous les cas, Marker inscrit sa mémoire et celles des autres dans le cadre d'une histoire qui les intègre et les dépasse. Le documentaire sur Alexandre Medvevkine est notamment l'occasion pour Marker de faire une fresque impressionnante sur l'Union soviétique défunte.

Dans ses films, Chris Marker cherche à dépasser la linéarité temporelle : par exemple, avec la boucle du temps dans La Jetée ou l'anticipation du futur dans Le Souvenir d'un avenir. L'ordinateur le libère du temps comme ligne directrice irréversible : l'espace du CD-ROM est multi-dimensionnel car il y autant de dimensions que de points d'entrée sur l'écran introductif, et ces dimensions peuvent se croiser et s'enchevêtrer à volonté. Le résultat est un temps réversible et courbe, plein d'inflexions et de retours, qui permet de cartographier de façon plus précise l'architecture complexe de la mémoire.

Le globe-trotter militant continue à être présent dans des films comme Berliner Ballade (1990) ou Un maire au Kosovo (2000). Le contre-informateur de la série On vous parle de... continue de proposer son regard critique sur les médias dans Détour Ceausescu (1990, segment de Zapping Zone), Le 20 heures dans les camps (1993, idem.) ou Casque bleu (1995). Le photographe de Coréennes est toujours présent dans les expositions Staring Back (2007) ou (2011), série de photographies des passagers du métro parisien prises à leur insu, exposée pour la première fois à la Peter Blum Gallery de New York, puis aux Rencontres d'Arles 2011 et enfin au Centre de la photographie de Genève, dans le cadre du projet Spirales. Fragments d'une mémoire collective. Autour de Chris Marker.

En , à l'occasion d'une ultime rencontre entre Paul Paviot et Chris Marker dans l'atelier de ce dernier à Paris 20° en présence de Charles Paviot, Chris Marker offre à son fidèle ami un exemplaire de son ouvrage Staring Back avec la dédicace suivante : « Pour Paul, qui portera devant l'Histoire, l'écrasante responsabilité de m'avoir permis d'être cinéaste. Fidèlement, [suivie de la signature de Chris Marker accompagnée d'un croquis du chat Guillaume] ». En effet, Paul Paviot avait permis naguère à Chris Marker de partir en Chine avec suffisamment de pellicule pour assurer le tournage de Dimanche à Pékin, produit par Pavox Films. Au retour du Festival de Tours où le film venait de remporter le Grand Prix en 1956, Paul Paviot accepta l'offre de co-production formulée par Anatole Dauman, Argos Films permettant dès lors le tirage de davantage de copies 16 mm et le passage au 35 mm. Grâce à cette introduction de Paul Paviot, Chris Marker allait poursuivre de nombreuses collaborations avec Anatole Dauman par la suite.

Mort

Plaque de Chris Marker au cimetière du Montparnasse (division 16).

Chris Marker meurt le ,  anniversaire, à son domicile personnel dans le arrondissement de Paris,. Sa dépouille est incinérée au crématorium du Père-Lachaise le . Ses cendres reposent dans une chapelle funéraire commune au cimetière du Montparnasse (division 16), au sein d'une case ornée d'un chat porte-bonheur japonais ainsi que de nombreux témoignages cinéphiles.

  1. «  », sur deces.matchid.io (consulté le ).
  2. D'après son acte de naissance, qui mentionne également son mariage et son décès. Voir aussi Dominique Poiret, « Le réalisateur Chris Marker est mort », Libération,‎ (lire en ligne).
  3. Georges Sadoul, Dictionnaire des cinéastes, Paris, Seuil, , 254 p., p. 156.
  4. The Guardian,‎ (lire en ligne).
  5. « Petit Journal du cinéma : Chris en Israël », Cahiers du cinéma, no 115,‎ , p. 40.
  6. Jean Mitry, Dictionnaire du cinéma, Paris, Librairie Larousse, , 328 p., p. 174.
  7. Agnès Varda, [réf. non conforme].
  8. Témoignage reçu de [Qui ?] a été aimablement transmis.
  9. Voir les archives du Lycée Pasteur déposées aux Archives des Hauts-de-Seine.
  10. Simone Signoret, La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était, Paris, Le Seuil, , p. 32-34.
  11. Cette information a été rendue publique pour la première fois dans l'article d'Éric Marty « Un moment pétainiste dans la vie de Chris Marker », paru dans Le Monde du , déclenchant un tollé chez certains admirateurs du cinéaste (voir par exemple le blog de Serge Toubiana). On ne reprochait pas à Éric Marty de révéler l'information, mais le moment et la manière qu'il avait utilisés pour le faire, à savoir comme un scoop journalistique publié dans un des plus importants quotidiens français à peine deux semaines après la mort de Marker, alors qu'il aurait pu le faire du vivant du cinéaste, lui donnant un droit de réponse, ou attendre quelques mois que les proches et « admirateurs » aient fait leur deuil. La polémique tint donc uniquement à un problème de savoir-vivre et de politesse ou de courage, et non à une supposée « collaboration » pétainiste.
  12. « He joined the Resistance for, in his words, “the adventure rather than the ideology”, and then the American Army when, for a brief period after the Battle of the Bulge (16 décembre 1944 - 25 janvier 1545), the Americans directed recruited Frenchmen. He fought right through to the end of the war, and one of his most treasured possessions was the signed letter from Eisenhower thanking him for his service. » Colin MacCabe, cité dans «  », biographie(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  13. Voir la visite de l'atelier de Marker par Agnès Varda dans le premier volet de la série Agnès de ci de là Varda, réalisée entre 2008 et 2010 et produite par Arte. Marker y confirme son activité au sein de la Résistance et de l'armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale.
  14. Peuple et Culture (sous l'onglet « valeur »). Voir aussi le manifeste de Peuple et Culture rédigé durant l'été 1945 et intitulé « Un peuple, une culture ».
  15. Joseph Rovan, Mémoires d'un français qui se souvient d'avoir été allemand, Paris, Le Seuil, , p. 262-263.
  16. Hervé Serry, «  », sur seuil.com, (consulté le ).
  17. Chris Marker, L'Homme et sa liberté, Paris, Le Seuil, , p. 7.
  18. Simone Dubreuilh, « Flashes sur les jeunes réalisateurs français : Chris Marker », Les Lettres françaises, no 664,‎ , p. 6.
  19. Lupton 2004, p. 40.
  20. a b c d et e Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées bergan
  21. , « Chris Marker, Lettre de Sibérie », France Observateur,‎ , p. 258.
  22. , « Lettre de Sibérie », dans Le Cinéma français de la Libération à la Nouvelle Vague 1945-1958, Paris, Cahiers du cinéma, , p. 180.
  23. Lambert 2008, p. 279.
  24. , Le Cinéma français, de la Nouvelle Vague à nos jours, Paris, Cahiers du cinéma, , p. 95.
  25. Jean-Luc Godard, "Manifeste" pour le Press-Book de La Chinoise, août 1967, repris dans Jean-Luc Godard, Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, t. 1, Paris, Cahiers du cinéma, , p. 303.
  26. Isabelle Grimaud, «  », (consulté le )
  27. Cité par Bernard Benoliel, "Entre Vues", Festival de Belfort 2002, disponible sur www.iskra.fr[Où ?].
  28. a et b , « Chris Marker est mort : le fond de l’air est moins rouge », Rue89,‎ (lire en ligne).
  29. Jean-Louis Bory, « La caméra à l'usine », Le Nouvel Observateur, lire en ligne) (suite [PDF])
  30. Robert Daudelin, « Rétrospective Chris Marker : le plus célèbre des cinéastes inconnus », 24 images, lire en ligne).
  31. Hermann Essoukan Épée, « L’attention esthétique et poétique dans le film-essai comme expérience multisensorielle », Éclats, ISSN 2804-5866, DOI 10.58335/eclats.576, lire en ligne, consulté le )
  32. , sur ac-nancy-metz.fr.
  33. , 2013, sur le site centrepompidou.fr
  34. Agnès de Cayeux, André Lozano et Agnès Rivoire, «  ».
  35. Cité in Lupton 2004, p. 201.
  36. Lupton 2004, p. 205.
  37. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Gorgomancy
  38. Peter Blum Gallery
  39. «  », (consulté le ).
  40. Centre de la Photographie Genève. On lira également avec intérêt le texte de l'artiste Christophe Chazalon sur la série de photographies Passengers, en libre accès sur chrismarker.ch.
  41. «  », (consulté le ).
  42. , « Le réalisateur Chris Marker est mort », Blog de Serge Toubiana,‎ (lire en ligne).
  43. Serge Toubiana, « Le réalisateur Chris Marker est mort », Cinémathèque française, .


Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « note », mais aucune balise <references group="note"/> correspondante n’a été trouvée

Ces informations proviennent du site Wikipedia. Elles sont affichées à titre indicatif en attendant un contenu plus approprié.

Tous les rôles de Chris Marker actuellement dans le mediabrol

  • Acteurs

    Version en cache

    08/06/2025 03:50:52 Cette version de la page est en cache (à la date du 08/06/2025 03:50:52) afin d'accélérer le traitement. Vous pouvez activer le mode utilisateur dans le menu en haut pour afficher la version plus récente de la page.

    Document créé le 01/05/2020, dernière modification le 14/04/2025
    Source du document imprimé : https://www.gaudry.be/personne/marker-chris.html

    L'infobrol est un site personnel dont le contenu n'engage que moi. Le texte est mis à disposition sous licence CreativeCommons(BY-NC-SA). Plus d'info sur les conditions d'utilisation et sur l'auteur.